Dans la série des contes et des légendes saintongeaises, en voilà une que vous n’avez sans doute jamais entendue … Il commence ainsi : une jeune libellule atterri dans un verre de Cognac par une plantureuse après-midi de juin.

La demoiselle, émoustillée par cette baignade, rejoignit sans tarder la part des anges. Dans son voyage d’effluves, elle rencontra une grande Dame Blanche, traînant derrière elle un distillateur géant.

Les deux femmes, l’une à l’agonie, l’autre en pleine folie, firent un pacte :la renaissance serait à celle qui atteindrait la première le majestueux platane du Logis de Garnaud.

La libellule, toujours émue par son plongeon inattendu, chercha longuement son chemin. La Dame blanche, qui errait depuis des siècles sur le mince bras de la Boutonne, connaissait les environs aussi bien que les plis de sa tunique phosphorescente.

Elle atteignit donc le platane la première.

L’arbre séculaire la reconnut et lui tînt ses augustes paroles In Vino veritas : par cette question tu seras délivrée si tu réponds vraiment. Pourquoi erres-tu ainsi, trimballant derrière toi ce distillateur si grand ?

La Dame Blanche reconnut bien là les questions perfides de ce vieil arbre radotant : décidément, il ne laisserait jamais en paix ! Sur ces entrefaits, la jeune libellule, bien vaillante, déclama en zozotant : « Je me suis noyée dans un verre de Cognac. Le soleil fou m’indiqua le chemin d’une cave bien fraîche où retrouver mes esprits qui divaguèrent pourtant : c’est là que je rencontra un distillateur accroché à une bonne femme en drap blanc ».

Le vieil arbre, qui n’avait pas vu la si petite libellule, prit ses paroles pour celles de la vieille ivrogne et décida qu’il était temps : ses branches immenses encerclèrent la dame blanche. Elle se débattit tant et tant que dans sa lutte avec l’arbre qui l’avalait elle laissa au-dehors l’un de ses bras.

C’est ainsi que le Logis de Garnaud compte parmi ses arbres le platane dit « de la Dame Blanche » d’autres diront « de la sorcière ». Vous pouvez encore voir cet arbre et son bras faisant une boucle sur son tronc lisse.

Quant à la libellule, elle disparut et la légende ne précise jamais ce qu’elle devint. Peut-être la croiserez-vous au détour d’un chemin sous le soleil ravissant du mois de juin ?